La chirurgie robot-assistée a bouleversé les blocs opératoires. Mais ses bénéfices sont-ils au rendez-vous pour tous les patients… et à quel prix ?
Qu’appelle-t-on un robot chirurgical ?
Un robot chirurgical est un système téléopéré qui transmet les gestes du chirurgien via des bras instrumentés, souvent avec vision 3D HD et filtrage des tremblements. Il n’opère pas seul : il augmente la dextérité en espace restreint (coelioscopie), avec instruments articulés et console.
Précision et résultats : que dit la littérature récente ?
Urologie
- Cystectomie : les essais et méta-analyses récentes montrent résultats oncologiques équivalents à l’open, avec moins de pertes sanguines et séjours plus courts ; l’avantage sur les complications majeures reste variable selon les séries.
- Prostatectomie : des RCT multicentriques récentes existent (ex. LAP-01) mais, globalement, l’avantage fonctionnel durable (continence, érection) n’est pas systématique vs cœlioscopie, malgré de meilleures conditions opératoires.
Gynécologie
- Hystérectomie bénigne : les synthèses 2023-2024 trouvent des résultats cliniques comparables à la cœlioscopie, parfois coûts moindres dans des contextes spécifiques, mais hétérogénéité élevée ; le gain est net par rapport à l’open.
- Cancer du col (radical) : des analyses médico-économiques récentes suggèrent une coût-efficacité possible selon stade/âge, mais avec incertitudes et dépendance au contexte.
Digestif / hépato-biliaire
- Hépatectomie : données récentes (cohortes) suggèrent sécurité et séjours plus courts, avec signaux de coût-efficacité quand les complications diminuent et que les volumes sont suffisants.
Orthopédie et thoracique
- Orthopédie : au Royaume-Uni, NICE (2025) a accordé une Early Value Assessment à 11 systèmes, utilisation conditionnelle avec collecte de preuves de coût-efficacité sur 3 ans.
- Thoracique (lobectomie) : revue 2023 : courbe d’apprentissage raisonnable, mais attente d’essais randomisés pour conclure sur l’efficacité oncologique.
Sécurité et effets indésirables : signaux à surveiller
La cholécystectomie robotique a connu une hausse rapide aux États-Unis, avec un risque plus élevé de lésion de la voie biliaire qu’en cœlioscopie dans une étude de 1 026 088 dossiers Medicare (0,7 % vs 0,2 %; RR≈3,16). Cela illustre l’importance de l’indication et de la courbe d’apprentissage.
Combien ça coûte ?
Coûts directs et indirects
Un programme robotique combine investissement initial (achat du système), maintenance annuelle et consommables par cas, auxquels s’ajoutent temps de salle, formation et organisation. Les estimations publiées (selon modèles/centres) situent l’acquisition des systèmes historiques dans une fourchette ≈ 1,5–2,5 M$ et une maintenance annuelle souvent proche de ≈10 % du prix, hors aménagements. (Ordres de grandeur, variables selon plateforme et contrat.)
France : tarification et remboursement
En France, pas de valorisation spécifique des actes robotisés dans la tarification nationale ; le surcoût est souvent absorbé par l’établissement (public) ou via des redevances (privé). Le sujet est identifié par les instances (questions au Parlement, Académie de médecine).
Coût-efficacité : que disent HAS et NICE ?
- HAS : évaluations par indication (ex. hystérectomie bénigne 2021) : bénéfice clinique non supérieur à la cœlioscopie, question de la pertinence de prise en charge à discuter au cas par cas. (Contexte pré-2022, utile pour la France.) (Haute Autorité de Santé)
- NICE (2025) : pour l’orthopédie, potentiel de coût-efficacité (ICER < £20 000/QALY) mais utilisation conditionnelle avec collecte de données. (nice.org.uk)
- Essais/éco-évaluations : certaines analyses trouvent un surcoût moyen vs cœlioscopie (≈ + 3 000 $ par séjour, contexte Corée), d’autres une probabilité de coût-efficacité selon sous-groupes (cystectomie) ou organisation (réduction complications/séjours). Conclusion : dépend fortement de l’indication, du volume et des coûts locaux. (ResearchGate)
Courbe d’apprentissage, volumes et organisation
La littérature montre une courbe d’apprentissage (souvent 15–35 cas pour une compétence de base selon spécialité), avec effets sur temps opératoire, conversion et complications ; d’où l’intérêt de centres à volumes et de parcours de formation structurés.
Pour quels patients et dans quels centres ?
Indication solide : lorsque le robot apporte accès anatomique et ergonomie utiles (espace pelvien étroit, gestes fins), et que l’équipe dispose du volume et de l’encadrement pour maintenir la qualité.
Transparence : demander au centre ses volumes annuels, taux de conversion/complications, et son programme de formation.
Demain : plus de plateformes, plus de données
Le marché se diversifie (multiplication de systèmes et indications) et les agences mettent en place des cadres « Evidence-based » (ex. EVA de NICE) avec collecte prospective. Les politiques industrielles (ex. France 2030) ciblent aussi ces technologies.
FAQ
Le robot opère-t-il « tout seul » ?
Non. Il s’agit d’une télé-opération : le chirurgien contrôle chaque geste à la console.
Est-ce toujours mieux qu’une cœlioscopie ?
Pas systématiquement. Plusieurs revues récentes concluent à des résultats comparables selon l’indication, avec coûts souvent plus élevés ; avantage net par rapport à l’open dans diverses situations.
Y a-t-il des risques spécifiques ?
Oui, selon l’acte et l’expérience de l’équipe ; par exemple, un sur-risque de lésion biliaire a été observé en cholécystectomie robotique dans une large cohorte Medicare.
Qui décide d’investir dans un robot ?
Les établissements, en intégrant coûts fixes, maintenance, consommables et volumes attendus ; au Royaume-Uni, l’usage dans certaines indications se fait sous condition de collecte de preuves d’efficacité/coût-efficacité.
Conclusion
Le robot chirurgical apporte des avantages techniques réels, qui se traduisent parfois en bénéfices cliniques mesurables selon l’indication, l’équipe et l’organisation. Sur le plan économique, la valeur dépend de la courbe d’apprentissage et des volumes : les gains (moins de complications, séjours plus courts) doivent compenser des coûts fixes élevés. Les agences (HAS/NICE) appellent à documenter ces gains par des données de vie réelle et des essais ciblés afin d’orienter des investissements responsables.
Important — Informations à visée éducative, ne remplacent pas un avis médical. En cas de question personnelle, consultez un·e professionnel·le de santé.
Sources
- HAS. Évaluation clinique de l’hystérectomie robot-assistée pour pathologie bénigne (2021). (Haute Autorité de Santé)
- NICE. Robotic-assisted surgery for orthopaedic procedures – Early Value Assessment (2025). (nice.org.uk)
- Kalata S, et al. JAMA Surg. 2023 : robot-assisted vs laparoscopic cholecystectomy (risques biliaires). (JAMA Network)
- McCarthy A, et al. BMJ Open 2023 : robotique vs cœlioscopie en gynécologie (économie). (BMJ Open)
- Sathianathen NJ, et al. 2023. Cystectomie : équivalence oncologique/avantages per-opératoires. (PMC)
- Willis MA, et al. Cochrane Protocol 2024 (rectum). (PMC)
- Rouault A, et al. 2025. Hépatectomie robotique : sécurité/coût-efficacité (données de cohorte). (PMC)
- Soomro NA, et al. BJS Open 2020 : revue sur la courbe d’apprentissage en robotique. (OUP Academic)
- Académie nationale de médecine. 2025. Chirurgie robotique : formation et accès. (Académie de Médecine)
- Données coût : revue (ordre de grandeur achat/maintenance). (PMC)
- Image par Wikimedia Commons.
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Alejandro Rojas
Masseur-kinésithérapeuteFondateur du média Première Santé, Alejandro Rojas est masseur-kinésithérapeute diplômé depuis 2005, spécialisé en kinésithérapie respiratoire. Il a exercé en soins intensifs, en pneumologie, en cabinet libéral, et travaille aujourd’hui dans un service de soins palliatifs.
