C’est le deuxième cancer le plus meurtrier en France, et pourtant, il est évitable dans 9 cas sur 10 s’il est détecté à temps. Malgré la gratuité et la simplification du test, le dépistage colorectal en France peine à convaincre la population cible des 50-74 ans. Analyse d’un problème de santé publique majeur.
Chaque année, près de 47 000 nouveaux cas de cancer colorectal sont diagnostiqués dans l’Hexagone. Si les traitements ont progressé, la meilleure arme reste la détection précoce. Pourtant, le programme national de dépistage organisé se heurte à une indifférence persistante. Pourquoi boudons-nous ce test qui sauve des vies ?
Un taux de participation alarmant loin des objectifs européens
Les chiffres de Santé Publique France sont sans appel. Sur la période 2022-2023, le taux de participation au dépistage colorectal en France s’est établi autour de 34,3 %. Ce chiffre reste très éloigné de l’objectif européen de 65 %, seuil nécessaire pour observer une baisse significative de la mortalité au niveau national.
À titre de comparaison, nos voisins néerlandais affichent des taux de participation dépassant les 70 %. Ce retard français se traduit par des diagnostics trop tardifs : lorsque le cancer est détecté à un stade avancé, le taux de survie à 5 ans chute drastiquement (autour de 14 %), alors qu’il dépasse 90 % lors d’une détection précoce (stade I).
Peur, tabou et procrastination : les vrais freins au dépistage
Pourquoi plus de 6 Français sur 10 éligibles ne renvoient-ils pas leur kit ? Les études sociologiques et médicales mettent en lumière plusieurs barrières :
- Le tabou de la zone anale : Il existe une réticence culturelle et psychologique à manipuler ses selles, un geste encore perçu comme « sale » ou gênant par une partie de la population.
- L’absence de symptômes : C’est le piège principal. Beaucoup pensent : « Je n’ai pas mal au ventre, je n’ai pas de sang dans les selles, donc je vais bien. » Or, le dépistage s’adresse précisément aux personnes asymptomatiques. L’objectif est de trouver des polypes (adénomes) avant qu’ils ne deviennent cancéreux.
- La peur du résultat : La crainte d’apprendre une mauvaise nouvelle (le syndrome de l’autruche) pousse de nombreux patients à repousser l’échéance.
- La confusion avec la coloscopie : Beaucoup confondent le test de dépistage (simple prélèvement à domicile) avec la coloscopie (examen invasif sous anesthésie).
Le test immunologique : plus simple et plus fiable
Depuis 2015, l’ancien test Hémoccult a été remplacé par le test immunologique fécal (FIT). Ce changement technologique aurait dû booster la participation, car il présente des avantages majeurs :
- Fiabilité accrue : Il est plus sensible et détecte 2 à 2,5 fois plus de cancers et de lésions précancéreuses que l’ancien test.
- Simplicité d’utilisation : Il ne nécessite qu’un seul prélèvement de selles (contre trois auparavant).
- Hygiène : Le dispositif de recueil est ergonomique, conçu pour éviter tout contact direct.
Bon à savoir : Un test positif ne signifie pas que vous avez un cancer. Dans 96 % des cas, le test est négatif. Si du sang est détecté (4 % des cas), une coloscopie sera prescrite pour en identifier l’origine (souvent un polype bénin que l’on pourra retirer pendant l’examen).
L’accès facilité : Pharmacies et commande en ligne
Pour tenter de relancer la machine, les autorités de santé ont diversifié les modes d’accès au kit de dépistage. Il n’est plus nécessaire d’attendre son rendez-vous annuel chez le médecin généraliste pour se le procurer.
- En pharmacie : Depuis 2022, les pharmaciens d’officine peuvent remettre le kit gratuitement aux personnes éligibles (50-74 ans) après une vérification rapide de leur dossier.
- En ligne : Le site monkit.depistage-colorectal.fr permet de commander le kit directement chez soi.
Conclusion
Le dépistage colorectal en France n’est pas une question de chance, mais de responsabilité individuelle face à sa santé. Attendre les symptômes, c’est souvent attendre trop longtemps. Le test est rapide, gratuit, indolore et réalisable chez soi. Le réaliser tous les deux ans entre 50 et 74 ans est, à ce jour, le geste de prévention le plus efficace pour éviter ce cancer.
Important — Informations à visée éducative, ne remplacent pas un avis médical. En cas de question personnelle, consultez un·e professionnel·le de santé.
Sources
- Santé Publique France, Données de participation au dépistage organisé du cancer colorectal, 2023.
- Institut National du Cancer (INCa), Panorama des cancers en France, 2024.
- Assurance Maladie (Ameli), Modalités de remise des kits en officine.
- Image par Philippe Delavie.
- Voir le dossier complet Santé & Prévention
- Tous nos articles sur Vaccination et dépistage
Articles recommandés dans la même thématique

Alejandro Rojas
Masseur-kinésithérapeuteFondateur du média Première Santé, Alejandro Rojas est masseur-kinésithérapeute diplômé depuis 2005, spécialisé en kinésithérapie respiratoire. Il a exercé en soins intensifs, en pneumologie, en cabinet libéral, et travaille aujourd’hui dans un service de soins palliatifs.
