Intelligence artificielle et infarctus : peut-on détecter avant les symptômes ?

L’intelligence artificielle (IA) promet d’alerter plus tôt sur l’infarctus : entre ECG “augmentés”, troponines analysées par algorithmes et capteurs portables, que dit vraiment la science en 2024–2025 ? 

Définition

Détection pré-symptomatique de l’infarctus : repérage d’indices d’ischémie myocardique avant douleur thoracique ou symptômes (minutes à heures), via ECG, biomarqueurs ou capteurs continus analysés par IA.

Pourquoi détecter “avant la douleur” est si difficile

Un infarctus résulte d’une occlusion coronaire : l’ischémie débute avant la nécrose, mais sa fenêtre silencieuse est variable et souvent brève. Les ECG intermittents “manquent” l’événement ; les troponines montent plus tard ; les capteurs au poignet mesurent des proxies (fréquence, variabilité, SpO₂) plutôt que l’ischémie elle-même. D’où l’intérêt d’algorithmes capables d’extraire des signaux faibles, en continu.

Ce que l’IA sait déjà faire (validé en clinique)

1) Mieux trier à l’arrivée : IA-ECG pour STEMI/NSTEMI

Des modèles IA-ECG appliqués à l’ECG 12 dérivations améliorent la détection des infarctus à l’accueil, réduisant le temps vers traitement et repérant des NSTEMI difficiles à lire.

À retenir : cela accélère la prise en charge au premier contact médical — utile, mais pas encore de la détection à domicile “avant symptômes”.

2) Troponines hautement sensibles + IA : vers des décisions plus précoces

Des travaux 2023–2024 montrent que des algorithmes intégrant troponine (valeur continue) + contexte clinique surpassent des règles fixes pour règle-in/règle-out rapides. Cela peut écourter les parcours aux urgences et diminuer les admissions inutiles.

3) Imagerie et cathlab : l’IA affine l’ischémie en temps réel

En imagerie (IRM, TDM coronaires) et au cathlab, l’IA segmente et quantifie l’ischémie, parfois en temps réel, aidant la décision thérapeutique lors d’événements aigus.

Ce qui émerge vraiment pour le “pré-symptomatique”

1) Monitoring continu (patch ECG, montres/anneaux) + IA

Des revues 2024–2025 suggèrent que le monitoring continu accroît la détection d’épisodes ischémiques transitoires et d’arythmies silencieuses ; des algorithmes sur signaux ECG/PPG cherchent des déviations ST, baisses d’HRV ou altérations de perfusion pouvant précéder la douleur. Les preuves sont encore hétérogènes et souvent limitées par le bruit et l’absence d’essais randomisés “à domicile”.

L’écosystème des smartwatches évolue vers le dépistage opportuniste d’insuffisance ventriculaire ou d’alertes d’anomalies physiologiques, avec des réserves réglementaires (bien-être, non diagnostic). Ce n’est pas (encore) une alerte infarctus validée.

2) ECG “augmenté” par IA pour signaux faibles d’ischémie

Les méta-analyses récentes indiquent une haute précision des modèles profonds pour diagnostiquer l’ischémie/infarctus à partir d’ECG propres, mais soulignent des lacunes : peu de données en conditions “réelles” (bruit, mouvement), protocoles non standardisés, biais de sélection.

3) Nouvelles voies : magnetocardiographie et IA, jumeaux numériques

Des équipes explorent la magnetocardiographie (MCG) avec IA pour localiser précocement l’ischémie, et les digital twins pour simuler la perfusion myocardique et tester des scénarios de risque individuels. Prometteur, mais pré-clinique/early clinical.

Que peut espérer un patient en 2025 ?

À l’hôpital : triage IA-ECG + troponines hautement sensibles → diagnostic plus rapide et plus sûr de l’infarctus.
À domicile : les capteurs peuvent surveiller en continu et alerter sur des anomalies non spécifiques ; la détection fiable d’un infarctus avant symptômes reste en développement.
Sécurité/éthique : éviter les faux positifs anxiogènes, protéger les données et garantir l’explicabilité des modèles demeurent des priorités.

Limites actuelles des études

  • Peu d’essais randomisés “vie réelle” à domicile.
  • Variabilité des bases ECG, manque de tests sur signaux bruités.
  • Généralisation aux populations diverses et intégration réglementaire à parfaire.

À suivre (12–24 mois)

  • Essais de monitoring continu pilotés par IA avec endpoints cliniques (douleur, délai de revascularisation, MACE).
  • Intégration IA-ECG + biomarqueurs + contexte (comorbidités, médicaments) pour une alerte composite.
  • Normalisation reporting (PROBAST-AI, STARD-AI) et interopérabilité.

FAQ

L’IA peut-elle diagnostiquer un infarctus avant la douleur ?

Pas de façon fiable à domicile à ce jour. Les meilleurs résultats concernent le triage à l’hôpital (ECG + troponines) et la réduction des délais de prise en charge. Le pré-symptomatique en ambulatoire est prometteur mais non validé.

Une montre connectée peut-elle me prévenir d’un infarctus ?

Non. Elle peut détecter des signaux non spécifiques (rythme, HRV, SpO₂, “strain”), parfois avant un état infectieux ou une décompensation, mais pas diagnostiquer un infarctus. Certaines fonctions sont classées “bien-être”, sans visée diagnostique.

Les IA sont-elles meilleures que les cardiologues ?

Elles peuvent compléter les cliniciens pour repérer des motifs subtils sur ECG ou imagerie et accélérer les décisions, mais nécessitent validation, supervision et contexte clinique.

Quelles avancées marquantes en 2025 ?

ACC 2025 a mis en avant des IA-ECG améliorant la détection des STEMI/NSTEMI et des flux de travail plus rapides.

Conclusion

L’IA accélère aujourd’hui le diagnostic d’infarctus à l’hôpital (ECG et troponines) et prépare la détection pré-symptomatique via le monitoring continu. Les preuves 2024–2025 sont encourageantes mais encore insuffisantes pour une alerte “anti-infarctus” à domicile. La priorité : essais pragmatiques, interopérabilité et gouvernance des données pour transformer la promesse en bénéfice patient.

Important — Cet article est informatif et ne remplace pas un avis médical. En cas de douleur thoracique, appelez immédiatement les urgences (112/15).

Sources

  • Lee M-S, et al. Artificial intelligence applied to electrocardiogram to rule out myocardial infarction. Eur Heart J. 2025. (OUP Academic)
  • Doudesis D, et al. Machine learning for diagnosis of myocardial infarction using troponin as continuous. Nat Med. 2023. (Nature)
  • Toprak B, et al. Diagnostic accuracy of a machine learning algorithm using POC hs-cTnI. Lancet Digital Health. 2024. (The Lancet)
  • ACC. AI-ECG Better Detects Severe Heart Attacks in Emergency Setting (communiqué). 28 oct 2025. (American College of Cardiology)
  • Khalifa A, et al. The Digital Revolution in Cardiac Ischemia. Cureus. 2025. (Cureus)
  • Gupta V, et al. Multimodal deep learning for AMI. EHJ Digital Health. 2025. (OUP Academic)
  • Gragnaniello M, et al. Real-Time MI Detection Approaches. Sensors. 2024. (MDPI)
  • Kim A, et al. AI for electrocardiographic diagnosis of ischemia. Anaesthesia. 2025.(ScienceDirect)
  • Odeh V-A, et al. Wearables for cardiovascular monitoring. 2024. (PMC)
  • AndroidCentral. LVSD screening on Samsung watches (réglementaire). 2025. (Android Central)
  • The Verge. Oura Symptom Radar (non diagnostic). 2024. (The Verge)
  • Image par OsloMetX

Articles recommandés dans la même thématique

photo profil Alejandro Rojas Camarero

Alejandro Rojas

Masseur-kinésithérapeute

Fondateur du média Première Santé, Alejandro Rojas est masseur-kinésithérapeute diplômé depuis 2005, spécialisé en kinésithérapie respiratoire. Il a exercé en soins intensifs, en pneumologie, en cabinet libéral, et travaille aujourd’hui dans un service de soins palliatifs.

Nous utilisons des cookies afin de personnaliser le contenu et les publicités, d’offrir des fonctionnalités relatives aux réseaux sociaux et d’analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l’utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d’analyse. Lire plus
Cookies settings
Accepter
Refuser
Politique de confidentialité et cookies
Privacy & Cookies policy
Cookie nameActive

Politique de confidentialité et cookies

Chez Première Santé, la confidentialité de nos visiteurs est une priorité. Cette page décrit les types d’informations collectées, leur usage et vos droits conformément au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

1. Données collectées

Nous collectons uniquement les données nécessaires :
  • Nom et adresse e-mail (via le formulaire de contact ou la newsletter)
  • Adresse IP et données techniques (statistiques anonymisées via Google Analytics ou Matomo)

2. Finalité de la collecte

Ces données servent uniquement à :
  • répondre à vos messages,
  • envoyer des actualités santé si vous êtes abonné(e),
  • améliorer la navigation sur le site (analyse anonyme du trafic).

3. Durée de conservation

Les données sont conservées :
  • 12 mois pour les formulaires de contact,
  • jusqu’à désinscription pour la newsletter.

4. Partage des données

Aucune donnée personnelle n’est partagée, vendue ni échangée. Certains outils tiers peuvent toutefois déposer des cookies (ex. Google Analytics, YouTube, réseaux sociaux).

5. Utilisation des cookies

Ce site utilise des cookies fonctionnels et analytiques :
  • Les cookies fonctionnels permettent au site de fonctionner correctement.
  • Les cookies analytiques mesurent la fréquentation pour améliorer les contenus.
Lors de ta première visite, une bannière de consentement t’informe et te permet d’accepter ou refuser les cookies non essentiels. Tu peux modifier ton choix à tout moment.

6. Tes droits

Conformément au RGPD, tu peux :
  • demander l’accès à tes données,
  • en demander la rectification ou la suppression,
  • retirer ton consentement à tout moment.
Pour exercer tes droits : contact@premieresante.fr

7. Responsable du traitement

Alejandro Rojas Camarero Fondateur et responsable de la publication contact@premieresante.fr
Garder les réglages
Cookies settings