Soignants épuisés : tribune pour un sursaut à l’hôpital

Les soignants épuisés ne sont pas un fait divers mais un signal vital : quand l’hôpital vacille, c’est la sécurité des soins qui se fissure. Cette tribune appelle à un sursaut fondé sur des preuves et des engagements mesurables.

Burnout des soignants : de quoi parle-t-on ?

Le burn-out est défini par la CIM-11 comme un phénomène lié au travail, conséquence d’un stress professionnel chronique non géré, articulé en trois dimensions : épuisement, distance mentale/cynisme et efficacité réduite. Ce n’est pas un diagnostic clinique de maladie mais un facteur lié aux conditions d’exercice.

En clinique, la HAS rappelle les repères de repérage et d’accompagnement, notamment lors du retour au travail ; l’action sur l’organisation est indispensable et dépasse le seul soin individuel.

Ce que disent les chiffres récents

En France, 96 % des professionnels interrogés déclaraient en 2023 un état de fatigue intense, pointant la lourdeur administrative, le manque de reconnaissance et les effectifs insuffisants.
Dans les EHPAD franciliens (2024), l’INRS documente des conditions de travail difficiles et leurs répercussions sur la santé des soignants, éclairant un continuum hôpital-médico-social.
Au niveau européen, des synthèses récentes soulignent la prévalence élevée du burn-out chez les professionnels de santé, avec des variations selon les métiers et les outils (MBI, ProQoL).
Ces données se superposent à une actualité dramatique autour des suicides à l’hôpital, qui interroge la responsabilité des organisations et de la puissance publique.

Quand l’organisation fabrique l’épuisement

L’épuisement n’est pas la faiblesse d’un individu : c’est le résultat d’arrangements organisationnels devenus intenables.

Ratios et périmètres de tâches

Des services en sous-dotation chronique génèrent des ratios soignants-patients dégradés. Additionnons les tâches non soignantes (saisie, logistique, “petits dépannages”) : elles grignotent le temps clinique et alimentent la dette de soin. La littérature QVT et les retours de terrain convergent : ce qui n’est pas mesuré n’est pas piloté. Définissons et monitorons les ratios et le temps clinique protégé par service.

Débriefs, supervision, violences et incivilités

Former à la gestion de l’agressivité est utile, mais insuffisant sans cadres de régulation : débriefs systématiques post-événements, supervision régulière interprofessionnelle, protocoles anti-violences visibles et évalués.

Agir maintenant : 10 engagements en 100 jours

  1. Afficher des ratios cibles soignants-patients par unité et publier mensuellement l’atteinte.
  2. Mesurer la QVT avec un tableau de bord partagé (absentéisme, surcharge, heures sup non récupérées, évènements indésirables).
  3. Instaurer 2 h de temps clinique protégé/semaine par ETP infirmier(aire) pour coordination, éducation et revue de dossiers.
  4. Stopper la paperasse non clinique : standardiser et déléguer les tâches administratives répétitives.
  5. Débrief structuré après tout événement violent ou critique, sous 72 h, avec traçabilité.
  6. Supervision interprofessionnelle mensuelle (cadres + pairs, 60 min, agenda standard).
  7. Accès rapide à une cellule de soutien (prévention secondaire/tertiaire), articulée avec le médecin du travail et la psychodynamique du travail.
  8. Parcours “retour au travail” calé sur les repères HAS (progressivité, aménagements, référent dédié).
  9. Formation des managers à la régulation des charges et aux signaux faibles (obligation de moyens renforcée).
  10. Suivi ARS/établissement : un comité QVT-Soins avec publication trimestrielle des résultats.

Outils éprouvés pour objectiver et suivre

Les outils validés (MBI, OLBI, SMBM) permettent de cartographier l’épuisement à l’échelle d’un service et d’évaluer les actions. Utilisés éthiquement, avec anonymat et restitution collective, ils transforment le vécu en données pilotables.

FAQ

Le burn-out est-il une maladie ?

Non. En CIM-11, il est classé comme phénomène lié au travail, pas comme maladie.

Quel repérage clinique de première intention ?

Se référer à la fiche mémo HAS (symptômes, repérage, accompagnement, retour au travail) et orienter vers la médecine du travail/psychologues du travail.

Quelles actions “rapides” efficaces ?

Transparence sur les ratios, temps protégé, débriefs structurés, cellule de soutien, supervision régulière, suivi d’indicateurs QVT.

Pourquoi parler de responsabilités institutionnelles ?

Parce que l’organisation (effectifs, flux, management) conditionne le risque. Les faits récents l’illustrent tragiquement.

Important — Informations à visée éducative, ne remplacent pas un avis médical. En cas de question personnelle, consultez un·e professionnel·le de santé.

Conclusion

La crise actuelle n’est pas une fatalité. Nommer, mesurer, corriger : c’est la séquence qui sauvera à la fois les équipes et les patients. Aux directions, ARS et décideurs d’assumer un mandat de protection : des engagements concrets, publiés et suivis. Les soignants épuisés n’attendront pas une génération de plus.

Sources

  • OMS. Burn-out: an occupational phenomenon. 2019 (CIM-11). Organisation Mondiale de la Santé
  • HAS. Repérage et prise en charge cliniques du burnout. 2017. Haute Autorité de Santé
  • Infirmiers.com. 96% des soignants en état de fatigue intense. 04/12/2023. Infirmiers
  • INRS. Conditions de travail et santé du personnel soignant d’EHPAD d’Île-de-France. 03/12/2024 (PDF). inrs.fr
  • Ministère – SEPS / Outils de mesure (MBI/OLBI/SMBM). Dossier QVT, PDF. Santé et Autonomie
  • The Lancet Regional Health – Europe. Futureproofing the healthcare workforce in Europe, 2025 (synthèse, burnout). thelancet.com
  • Le Monde. Suicides à l’hôpital : plaintes et responsabilités, 14/04/2025. Le Monde.fr
  • Ministère – QVT et restructurations : indicateurs et mesures. PDF. Santé et Autonomie
  • Compétences Prévention. Épuisement des soignants : comment agir. competences-prevention.com
  • Image par Engin Akyurt.

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Alejandro Rojas

Masseur-kinésithérapeute

Fondateur du média Première Santé, Alejandro Rojas est masseur-kinésithérapeute diplômé depuis 2005, spécialisé en kinésithérapie respiratoire. Il a exercé en soins intensifs, en pneumologie, en cabinet libéral, et travaille aujourd’hui dans un service de soins palliatifs.

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